Un prêtre jésuite de passage parmi-nous - 1994

Bonjour Octavio, peux-tu nous dire qui tu es et , pourquoi tu es venu parmi nous ?

Je m'appelle donc Octavio et je suis né en Argentine, je suis fils unique d'une famille profondément chrétienne. J'ai "respiré" la foi à la maison.
Jeune, j'ai été très lié à la paroisse. J'ai été scout. C'est seulement vers 20 ans que j'ai pensé à être prêtre. Mon désir était d'être enraciné dans un peuple et je pensais aussi aux Missions. C'est pourquoi je suis entré chez les jésuites. Une fois ma formation terminée, j'ai été envoyé, à l'essai, pour trois mois en Bolivie. J'y suis resté 12 ans.
Je suis venu en France pour deux ans d'études afin de me spécialiser dans la théologie spirituelle. Je venais en effet d'être nommé responsable des vocations jésuites en Bolivie et responsable de la pastorale des collèges jésuites du pays. Je n'avais jamais pensé à la France, dont j'ignorais presque tout.
La rencontre avec la France a été un choc : rencontrer un pays absolument étranger et passer de mes montagnes à ce qui m'apparaissait un quartier chic à Paris.
Je fais mes études au Centre Sèvres, mais je voulais sortir de Paris et déjà vivre la mission. De loin, l'Eglise de France m'apparaissait vieillissante, sécularisée, avec très peu de foi, une Eglise des catacombes, donc un terrain de mission !

Et qu'as-tu trouvé?

Avec un autre jésuite j'ai été affecté á Montfermeil-Coubron pour deux ans.
Arrivé aux Bosquets, j'ai été suffoqué. J'ai cru voir un marché persan... les races, les langues, les vêtements des femmes etc. Avec mon collègue, chaque week-end, nous partagions notre activité entre Montfermeil et Coubron. C'était une course continuelle. Cette année il reste travailler à Montfermeil et moi je suis à Coubron.

Comment se passe ta "vie missionnaire" à Coubron ?

Je dois dire d'abord que j'ai été accueilli comme un frère et je ne me suis jamais senti étranger.
J'assure bien entendu la pastorale paroissiale. Je rencontre une centaine de jeunes en groupes ou personnellement. Je visite beaucoup les familles.
Je travaille avec les laïcs, qui remplissent pleinement leur rôle de "bâtisseurs" d'Eglise. II y a des couples remarquables. Pourquoi le mari ne pourrait-il pas être ordonné prêtre ?
En Bolivie, sauf exception, le prêtre est un personnage sacré dont on attend tout. Ici j'ai trouvé des gens engagés et responsables, j'ai peur pour mon pays où l'on revient en arrière avec des évêques et des prêtres conservateurs. Le nonce n'y est pas étranger. II ne faut pas trop idéaliser les "communautés de base". Ici, je respire l'air de la véritable Eglise.
Notre expérience intéresse beaucoup la communauté des jésuites de Sèvres et ouvre son horizon.

Quels liens de tout cela avec tes études?

Un lien essentiel. Je fais ma formation théologique sur le terrain. La théologie ce n'est pas de la théorie, de belles idées. Le lieu fondamental de la théologie, c'est ce peuple de Dieu qui vit sa foi, qui édifie l'Eglise et qui m'ouvre des perspectives que je ne trouverais pas dans les livres.

Et toi, penses-tu avoir apporté quelque chose?

Je crois avoir aidé les chrétiens à vivre leur foi dans la joie et la liberté, á devenir pleinement eux-mêmes dans la foi, une foi qui ne se cantonne pas dans la pratique mais qui fait de chacun un homme de liberté, de justice, d'amour.
Mais je dois dire que j'ai reçu bien davantage que j'ai donné.

Recueilli par Pierre DUPONT
(Les Uns et les Autres – n° 103 – Juin 2014)

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